« A vos souvenirs !! » dit-elle. Sang. Sa famille dira qu’elle a eu une attaque, ses amies plus proches de ses folies diront qu’elle s’est coupée les veines dans sa baignoire : un Marat dépressif. Quelques camarades chevronnés diront qu’elle a été liquidée. Ce n’était rien de tout ça : c’était la fatigue et au pinacle de la fatigue, il y a souvent la mort : lucide voire translucide. Et la mort cette fois c’était une balle, elle voulait au moins réunir une fois dans sa vie tout ce beau monde : le sang aura coulé parce qu’une arme aura tiré et le cœur s’est bel et bien arrêté. Le geste lapidaire dénotait d’une grande envie de quitter, de ne plus aller voir ailleurs ; quelle surprise lui cachait demain ? Elle avait la réponse et c’est pour ça que la balle fut chirurgicale : demain sera aujourd’hui comme aujourd’hui fut hier !!
Le sang se répandit sur la page blanche, il coula dans ses veines, il ne faisait pas tâche, elle le voyait les yeux mi- fermés écrire les dernières lignes d’une vie finie. Elle voyait cette page, cet ultime refuge, se colorier de ce sang si rouge, qu’elle aurait espéré noir ! Les mots qui s’écrivirent furent tout aussi lapidaires que la balle mais furent comme toujours écrits dans ce mouvement de détresse qui cette fois laisserait place au néant !
Au bord des précipices, au bord des gouffres certains prennent le temps d’accrocher leurs regards aux étoiles et aux ciels endeuillés, elle enfonça si longuement son regard noirci par le Khôl et les larmes dans le trou noir qu’il vint à elle, pour la serrer de toute son étendue et de tout son mystère ; frêle, fragile, souple à casser cette fois elle était ce qu’elle fut toujours : un grain de poussière dans une étendue de folie.
Au bord des abysses, certains prennent le temps au souvenir, elle prêta une dernière lueur à l’oubli et c’est ainsi que ces mots désormais épée de Damoclès pour les autres « à vos souvenirs ! » s’écrivirent. Ce n’était pas un appel : elle en avait marre d’appeler, seul le silence répondait. Ce n’était pas une exhorte : elle en avait marre de gueuler, seule sa voix s’éraillait ! C’était un ultime rendez-vous, une ultime rencontre. Une ultime rencontre comme elle en a toujours rêvée : la rencontrer sans qu’elle soit présence, sans qu’elle soit là, sans qu’elle ait à être ou à prouver quoi que ce soit !!
Une balle c’est aussi mais surtout du son ! Elle crut voir la porte s’ouvrir mais elle n’aura pas le temps de savoir quel visage allait être témoin de ce voyage, ni quelles grimaces auraient pu l’accompagner, ni quels cris, ni quels chants ni quelle douleur gueulée, elle était morte et le texte avec elle s’achevait !
Les textes "morbides" m'ont toujours repoussés ... par contre j'adore la playlist (Manu Chao vs Noir Désir, Le vent nous portera = *****) !!!
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